Lorsque j’ai imaginé cette série d’interview, j’ai tout de suite pensé que Ludovic Morawa serait la personne idéale pour ouvrir le bal et je ne me suis pas trompée ! J’ai rencontré Ludovic lors de sessions de formation en mind mapping qu’il avait organisées auprès des équipes de Haute Savoie Habitat. J’ai tout de suite apprécié sa bienveillance naturelle et sa vision innovante du collectif en entreprise.
Bonjour Ludovic et merci de me recevoir !
Qui es-tu et que fais-tu de ta vie ?
Je suis Ludovic Morawa. Je suis salarié de Haute-Savoie HABITAT, bailleur social présent sur le département de Haute-Savoie et entreprise engagée sur son chemin de libération depuis 2015.
Ma mission de vie est assez simple : je tente d’aimer un maximum, de profiter du temps et de l’espace qui me sont donnés, de cultiver la paix, de la transmettre… et d’être utile quand je le peux.
Quel est ton état d’esprit en ce début d’interview ?
Mon état d’esprit est composé de plusieurs ingrédients : à la fois beaucoup de vibrations puisque j’ai fait chanter les bols tibétains hier et ça résonne encore en moi, content d’échanger avec toi aujourd’hui sur le sujet de la facilitation, et une belle perspective parce que je pars en Islande pour un trek en fin de semaine. Tous ces ingrédients me mettent dans un très bel état d’esprit. La vie est parfois bien faite !
As-tu un mantra qui te guide au quotidien ?
Rien de permanent si ce n’est le changement.
C’est ce que je me répète souvent. C’est ce que j’ai tendance à rappeler à mon entourage aussi. Ce n’est pas toujours évident d’inscrire ça en nous mais accueillir JUSTEMENT le changement permet de ne pas être trop souvent en résistance face aux évènements.
La facilitation c’est quoi pour toi ?
Difficile de donner une définition très cadrée… Je vais essayer de te donner le sens de la facilitation pour moi :
- C’est un levier de transformation, c’est une façon d’unir les équipes et de réunir des forces, je pense que ça sert à ça.
- C’est aussi un moyen de créer un univers « capacitant » et structurant pour un groupe, pour un collectif. Une manière de créer un bon cocon, un bon contexte pour les emmener quelque part.
- La facilitation pour moi c’est aussi un processus pour créer un environnement qui invite les personnes à construire quelque chose ensemble.
Je mettrai également une dose de frugalité dans la recette : faire simple, faire mieux avec moins, viser l’efficience par le bon sens.
Une définition de ton métier de facilitateur interne ?
Je suis Chargé de projets et je pilote ou coordonne des projets de toute nature, en dehors des projets immobiliers. Mes missions m’amènent donc à manager les idées, à les transformer, à accompagner les équipes dans leurs démarches et le rôle de facilitateur est la deuxième casquette de mon métier.
En intervenant sur des projets très transverses, la facilitation s’invite en fonction des objectifs et m’apporte de la méthode. Elle me permet d’accompagner les équipes dans leurs propres recherches.
C’est intéressant qu’une entreprise s’ouvre à ces postes-là parce que la plupart du temps la facilitation arrive de l’extérieur. Il y a un savoir-faire attaché au rôle de facilitateur et il y a aussi une posture, une attitude, un savoir-être qui semblent tout à fait correspondre à la dynamique d’une entreprise comme la mienne.
En fait, la facilitation arrive avec la proposition que je peux faire dans le cadre de mes missions. Donc on est dans une savante combinaison, une alchimie. C’est un peu ça mon métier.
Comment définir la posture d’un facilitateur ?
Pour moi, c’est une attitude qui consiste à être complètement ouvert à l’équipe et à en être extérieur en même temps. Finalement, le facilitateur est acteur du groupe mais sans le guider… Il aiguille par la démarche qu’il propose. Il est un peu tapi dans l’ombre car la lumière émane du collectif. C’est-à-dire que la production va venir de l’intelligence collective qu’il va rassembler, il va essayer de la porter, la lever mais c’est bien sûr le groupe qui la possède. Le facilitateur tente de créer l’univers favorable qui va faire en sorte qu’émerge une énergie et il va l’accueillir. Si on arrive à mobiliser cette énergie, ça donne des résultats.
Quel est ton quotidien de facilitateur ?
Mon quotidien c’est quand même plus le management de projets. Néanmoins, la facilitation s’invite quand les projets lui ouvrent la porte.
Je suis plutôt dans le soutien aux équipes métiers, c’est-à-dire qu’on vient me chercher lorsqu’il y a des interrogations, une étude à mener, des méthodes à trouver, des objectifs à clarifier. A ce moment-là je m’intègre dans le projet avec un rôle spécifique et je recours à la facilitation quand la nature du projet le nécessite : soit une phase d’idéation à lancer, soit pour essayer d’atteindre plus précisément un objectif. La facilitation intervient de manière ponctuelle dans mon quotidien.
Tes plus grands kiffs dans ce métier ?
Je trouve que le grand kiff, c’est tout simplement de faire ce qu’on fait ! Et quand on observe un collectif qui se réunit, qui arrive à une réussite et qui s’est fait plaisir ensemble ! Un groupe qui a su mobiliser son énergie et qui se dit « ensemble on est parvenu à quelque chose », ça fait plaisir. On obtient un « résultat humain » qui surgit de l’émulation d’un groupe et parfois même sans avoir forcément atteint l’objectif.
Différence entre coach, facilitateur, consultant ?
Vaste question aussi mais trois approches différentes.
Le consultant va se servir de son expérience, de ses acquis pour pouvoir recommander, préconiser des choses. Il vient avec cette capacité à guider et à trouver des solutions qui à mon sens sont plus techniques ou stratégiques.
Le coach pour moi va davantage être dans l’accompagnement de l’humain, du relationnel, de l’émotionnel. Le coach ancre son travail sur le sujet plus que sur l’objet, il aide à grandir.
Le facilitateur, en intervenant avec le collectif, va utiliser les énergies en place pendant une ou plusieurs sessions qui rassemblent. L’intérêt de la facilitation est de faire grandir un groupe et ça ce n’est pas la même logique, ce n’est pas la même mécanique, ce n’est pas la même récompense non plus.
Les 3 « soft kills » incontournables d’un facilitateur ?
- La capacité à se réjouir quand on atteint quelque chose avec un groupe, c’est savoir aussi en profiter ensemble.
- Se faire confiance pour que l’environnement, l’écosystème, nous fasse confiance. Si on n’y croit pas soi-même, difficile d’amener un collectif à croire en quelque chose. Généralement, avec une intention soutenue, on atteint sa cible.
- Une grande ouverture c’est-à-dire de ne pas être fixé. En méditation on appelle ça la « non fixation ». C’est de se dire je suis ouvert à tout, je suis ouvert aux surprises comme aux évidences… J’accueille sans juger.
Le dernier atelier ou temps collectif que tu as animé ?
J’anime des séances régulières dans le cadre des Rendez-vous de l’innovation. Mes dernières interventions sont plus de l’ordre de formations internes pour aborder un sujet avec un regard neuf, par exemple l’initiation au Design thinking ou la familiarisation aux pratiques collaboratives.
Ton meilleur souvenir d’atelier ? Ton pire souvenir ?
Un très bon souvenir qui part d’un mauvais. Une fin d’atelier mal calibré avec des objectifs difficiles à définir, je me suis laissé dépasser mais à la fin tout le groupe était partant pour une deuxième session sur le temps du midi (en plus de leur travail). Là je me suis dis : « c’est ça une envie collective ! ». C’est dans ces moments là qu’apparaît avec force la coopération. L’envie est le meilleur terreau.
Je vais paraître un peu perché mais un des ateliers qui m’a le plus bouleversé ces derniers mois en tant que participant c’est celui d’une chamane qui proposait du chant instinctif. Une communion parfaite de 50 personnes sous un tipi et le résultat était bluffant. Pour moi, les chamanes sont des passeurs et des facilitateurs.
Une technique/outil d’animation fétiche ?
Nous avons une mission d’intérêt général et l’approche client est fondamentale pour nous. C’est pourquoi j’aime utiliser la carte d’empathie qui est propice à nos métiers. J’aime l’idée de mettre le cap sur une vision et surtout de ne jamais oublier l’individu qui se cache derrière ce à quoi on travaille. C’est parfois difficile pour les collègues qui sont en relation directe avec nos locataires de rester attentifs aux attentes de chaque individu. La carte d’empathie est très efficace pour ça.
Et un brise glace ?
En brise glace, je vais puiser sur des ressources externes pour les renouveler et avoir des approches un peu différentes. Et puis je travaille avec les mêmes publics internes et les collègues se connaissent. J’aime beaucoup le photolangage, le côté pioche du hasard pour essayer de s’exprimer sur un sujet.
Dans ta mallette de facilitateur il y a…
C’est basique mais il y a une chose sur laquelle je compte vraiment c’est les feutres et le support d’expression.Pour moi, c’est un peu les dessins dans la caverne. Il y a 35 000 ans, on écrivait et on dessinait ce qu’on voulait projeter dans l’avenir. Je trouve que le fait de symboliser, de dessiner, d’écrire ce vers quoi on tend et comment on va y arriver, c’est être déjà dans l’intention et dans la production de sa réussite.
J’utilise également XMind pour les cartes mentales. Ça me sert à résumer, à compiler mes idées, à partager une vision…
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
En termes de ressources, j’aime bien des sites comme usbeketrica.com qui annonce un peu le futur.
J’aime bien aussi Harvard Business Review France. Même si ce n’est pas toujours en relation avec la facilitation (bien que je trouve que ce soit très lié), ça développe des sujets sur lesquels je travaille : le leadership, le management, la stratégie… donc ça ouvre des pistes.
Je me réfugie également beaucoup dans des liens plus ancestraux, des disciplines de sagesse qui finalement nous donnent une lecture de l’impermanence du moment. Ça cultive mon mantra ! Je vais beaucoup puiser dans des disciplines comme le Taoïsme ou le chamanisme. Je trouve que c’est en lien avec la facilitation.
Les livres qui sont posés sur ta table de chevet de facilitateur…
Devenir facilitateur de Jean-Philippe Poupard.
C’est un classique vraiment bien fait pour aborder la facilitation, pour la comprendre, pour en voir les mécaniques et pour se poser les bonnes questions.
L’élément humain de William Schutz.
Il aborde tous les principes de l’organisation du groupe. Ça donne des clés de compréhension pour accompagner sereinement un collectif. L’auteur s’intéresse à la dynamique des groupes et à la confiance comme source et moteur de développement individuel et collectif.
Reinventing organizations de Frédéric Laloux.
Pour nous qui sommes très impliqués dans le management innovant chez Haute-Savoie HABITAT, ce livre permet de comprendre de quoi les organisations sont faites et comment réagir face à un organisme vivant. C’est très inspirant pour faire avancer les collectifs.
Un conseil pour un futur facilitateur ?
Mon 1er conseil sera sous la forme d’une question. « As-tu développé une confiance en toi suffisante pour que ton entourage ait confiance en toi ? »
Mon 2nd conseil c’est de ne pas « fixer » : s’ouvrir à tous les possibles et de le faire entendre en étant toujours dans les temps d’interrogation du groupe.
Ton mot de la fin
Je pense que le métier de facilitateur a un avenir considérable et que le rôle de facilitateur à travers d’autres métiers aussi. J’ai la chance d’être dans une entreprise qui a compris la valeur d’un collaborateur autonome et bien dans son travail, qui est responsable, qui prend des initiatives et donc qui entreprend. On a peut-être trop longtemps oublié l’humain dans les entreprises et la facilitation est une bonne façon de faire émerger les forces de l’intelligence collective. La facilitation est une vitamine qui dynamise !
Mille mercis Ludovic !
En savoir + :
Ludovic Morawa
Facilitateur – Chargé de projets au Pôle Communication Innovation Marketing chez Haute-Savoie HABITAT
Haute-Savoie HABITAT
Office Public de l’Habitat, Haute-Savoie HABITAT est présent dans plus de 150 communes du département. Partenaire des collectivités locales et territoriales depuis 90 ans, Haute-Savoie HABITAT construit, entretient et gère des logements aidés à destination de ménages à revenus modestes. Avec un patrimoine de 19500 logements et plus de 270 salariés, Haute-Savoie HABITAT est organisé en 10 territoires. La stratégie de l’entreprise repose sur la confiance entretenue avec l’ensemble de ses parties prenantes. Elle place l’humain au cœur de son fonctionnement et accorde une large place au bonheur au travail qui est un fondement de sa démarche de libération engagée en 2015.
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